Point de vue
mardi 13 novembre 2018
La grande Mosquée des Omeyyades à Damas
La « charia » est une création des « foukaha », donc une législation faite par des hommes selon leurs propres interprétations du Coran à un moment donné ! Par conséquent, il est un avis religieux sujet à critique, à une autre interprétation, à un autre avis ! Le Prophète, en son temps, expliquait et interprétait les versets au fur et à mesure de leurs révélations, aux croyants - dont les proches « sahabis » - qui étaient majoritairement analphabètes.
Durant la vie du prophète, il s’agissait de « religion », mais après sa mort, il est question d’avis religieux sujet à la critique au fil des siècles !
La catastrophe des musulmans, surtout chez les sunnites, est d’avoir installé des « hommes religieux » qui se sont imposés, à force d’influence, comme détenant l’interprétation incontestable ou sujette à critique, au point de la sacraliser « religion » en lieu et place du Coran. Pourtant le Prophète lui-même ne se considérait pas comme un personnage sacré suivant le Coran qui précise : « Dis : Je ne suis qu’un mortel semblable à vous. »
En fait, tout s’est joué durant les trois premiers siècles (H) (dits el qouroun el moufadhala) avec ses ’’chouyoukh’’ novateurs pour leur époque ; après, ils ne sont plus que des « traditionalistes » (el mouqalidine) qui ne font que rabâcher et suivre les anciens sans aucune innovation même onze siècles après.
Toutes les tentatives d’interprétation novatrice depuis environ 150 ans - avec surtout Mohamed Abdou qui y affirme « le rôle de la raison comme guide de la vraie foi » et son contemporain Jamal Al-Dîn Al-Afghani en passant par Mohammed Rachid Rida et Ali Abderraziq etc – sont restés dérisoires, du fait d’une forte opposition des « gardiens du Temple », au point où il disait que « ... Si quelqu’un essayait d’éduquer la nation égyptienne sans la religion, c’est comme si un fermier essayait de planter une graine dans un sol non fertile … ses efforts seraient vains ».
Nous sommes au 21ème siècle, soit 14 siècles plus tard, et c’est les mêmes interprétations et avis ! Les trois premiers siècles ont vu différentes interprétations et avis devenus « écoles » (madhahib) souvent complémentaires et antagonistes.
Jusqu’à nos jours, on accepte et adopte ces antagonismes (voire contradiction avec le Coran) comme une richesse ! Même notre langage est altéré ! On anobli de « radhia allaou ânhou » aussi bien le « sahabi » tueur de « sahabi » que sa victime « sahabi »….par exemple !
Nous sommes, aujourd’hui, devant deux « islam » celui du Coran assez négligé et celui des hadiths (majoritairement « faibles » voire faux), que l’on a fait confondre avec la sunna, qui est imposé à force de propagande et de falsification allant jusqu’à sacraliser la violence ; comme ce concept de Califat inventé (après la mort du Prophète) que nos islamo-salafo-wahabites s’échinent à réinstaurer comme mode de gouvernance essentiel pour les musulmans !
Le Prophète prophétisait l’Islam du Coran dans ses principes, ses objectifs présents et futurs pour les êtres humains ; après sa mort (en incluant les 4 premiers califes), c’est l’Islam des « hadiths » qui s’oblige avec toutes ses contradictions et conflits.
Pourtant, le Prophète avait interdit de transcrire ses paroles….prédisant, certainement, la « confusion » générale dans laquelle nous sommes aujourd’hui face à l’évolution de l’être sur le plan moral, libertés, scientifiques et techniques ! Est-il pensable ou raisonnable que l’on puisse calquer les faits, gestes et pensées des sociétés bédouines (de la péninsule arabique) du 6ème siècle sur celles du monde du 21ème siècle ? Ce serait nier, alors, l’universalité du Coran précisé par ce verset : « Et Nous ne t’avons envoyé qu’en tant qu’annonciateur et avertisseur pour toute l’humanité » ! (Coran)
De nouveaux courants commencent à émerger, se réclamant du « tanwir », avec des moyens bien plus puissants (intellectuellement et médiatiquement) que leurs prédécesseurs. Leurs interprétations des versets doit s’appuyer sur 4 piliers : leurs contextes « intérieur et extérieur », leurs destinations, la langue et les conditions sociales.
Réussiront- ils dans cette tâche pédagogique colossale pleine d’embûches ?
Amar Djerrad
9 novembre 2018
(Note du Comité Valmy) Texte proposé par l’auteur et qui n’engage pas notre responsabilité et ne met pas en cause le caractère laïque de notre démarche.
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