Déclaration du Collectif « Indépendance des Chercheurs »
samedi 1er mai 2010, par Comité Valmy
LA RECHERCHE, L’EDUCATION, LA SANTE, L’ORDRE PUBLIC… NE DOIVENT PAS ETRE DES MARCHANDISES
La recherche scientifique et technologique doit avoir pour objectif le bonheur et le bien-être de tous les citoyens, le progrès de la connaissance et la transmission à la société de cette connaissance. Elle ne doit pas être soumise à des intérêts privés. Telle est, en France, la raison d’être des organismes nationaux comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), l’INRIA (informatique et automatique)… autour desquels s’est articulé depuis la Libération le service public de la recherche. Il en est de même de l’école et l’université publiques, l’hôpital public, le caractère public de l’Etat…
Pourtant, à l’insu de la grande majorité des citoyens dans le monde entier, la notion même de service public a été radicalement mise en cause par les gouvernements depuis les années 1980 à travers un processus de négociations qui a abouti notamment à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l’Accord de Marrakech de 1994. L’une des annexes à cet accord est l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) : il n’y est plus question de service public mais de service tout court. Ce service n’est plus une prestation due à tous mais une marchandise qui en tant que telle ne saurait être gratuite ni même avoir forcément un prix à la portée de tous. La Recherche, l’Education, la Santé… et dans la pratique, jusqu’aux structures mêmes des Etats souverains dont l’existence se trouve directement mise en cause, deviennent des marchandises aux termes de cet accord. En clair, elles sont destinées à tomber progressivement sous le contrôle des riches, du capital privé et des groupes influents. Il en est de même de l’ensemble des droits des citoyens et des acquis sociaux dont les actuels Etats sont les garants : retraites, droit du travail, indépendance des fonctionnaires… compris.
De même, dès sa création par le Traité de Maastricht en 1992, l’Union Européenne (UE) a été l’instrument de la même politique au service des lobbies financiers et des multinationales. Par exemple : le Conseil Européen de mars 2000 a officiellement adopté la stratégie de Lisbonne et la notion de « marché de la connaissance » ; en mars 2002, le Conseil Européen de Barcelone a défini la stratégie de « flexisécurité » avec casse du Code du Travail et des statuts des fonctionnaires, planifié la démolition du régime des retraites… Plus globalement, l’Union Européenne organise la privatisation générale des services publics et des Etats eux-mêmes.
Le Traité de Lisbonne récemment ratifié n’est que la suite, et l’aggravation, de la même politique, pendant que l’application de l’AGCS devient de plus en plus générale. Profitant de la crise économique et financière sans précédent que leur propre politique de délocalisations et d’exportation systématique de capitaux a déclenchée, les « élites » des pays occidentaux organisent un véritable nivellement par le bas des acquis sociaux à l’échelle planétaire avec « mise en concurrence » des populations, privatisation générale du patrimoine public et démolition programmée des actuels Etats. Jusqu’au transfert progressif du pouvoir de police vers le secteur privé, ou la disparition des gendarmeries nationales. C’est pourtant cette même politique au service des lobbies financiers et des multinationales, qui a conduit à la crise actuelle dont les riches profitent et les « petits citoyens » payent lourdement la facture.
La délocalisation de la recherche scientifique et technologique, qui dure depuis plus de vingt ans, a été l’une des causes essentielles de la destruction des économies des pays jadis « riches ». Les propagandes gouvernementales des années 1990-2000, toutes façades politiques confondues, avaient invariablement répété que les délocalisations ne présentaient aucun danger pour les économies des pays exportateurs de capitaux. Car, nous disait-on, elles ne concernaient que le travail jugé « peu qualifié ». Mais, outre le caractère arbitraire de cette séparation entre « travail peu qualifié » et « travail très qualifié », la réalité était que la marchandisation de la connaissance devait nécessairement entraîner la délocalisation du travail intellectuel. A présent, la facture est très lourde. Déjà en 2008, lors de sa campagne électorale, Barack Obama avait dû reconnaître la débâcle des Etats-Unis dans la recherche et l’éducation. La situation de l’Union Européenne est encore pire à bien d’égards.
DEFENDRE LA RECHERCHE, L’EDUCATION, LA SANTE ET L’ENSEMBLE DES SERVICES PUBLICS (RETRAITES COMPRISES) S’OPPOSER A LA PRIVATISATION DE L’ETAT
La privatisation du patrimoine public et des services publics français depuis 1986 a été présentée comme une « modernisation ». Il en est de même de l’effacement progressif des Etats souverains au bénéfice de « gouvernances » européennes et planétaires qui imposent l’exécution de cette politique. Un tel discours ne correspond à aucune réalité : au 19ème Siècle, il n’y avait pas de services publics et les « petits citoyens » étaient à la merci des riches et des influents. C’est dans ce sens qu’on évolue. Où sont le « progrès » et la « modernité » dans ces « réformes » ? Le dumping social, la disparition du droit du travail et du droit à la retraite… relèveraient-ils d’une quelconque « modernité » ? D’après l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), le travail dit « informel », sans contrat ni statut et qui en France relèverait du travail au noir, atteint 50% de la population active à l’échelle mondiale. Il pourrait toucher plus des deux tiers des travailleurs de la planète en 2020. Où est le « progrès social », après deux décennies de privatisations, de délocalisations, de développement de pouvoirs discrétionnaires et de précarisation du travail (y compris intellectuel et théoriquement « qualifié ») ? C’est au nom d’une prétendue « efficacité » et « bonne gestion », que les transformations qui ont conduit à la crise économique actuelle ont été opérées : mais la crise nous en dit long sur la valeur réelle d’un tel discours dont l’application s’est encore poursuivie avec la loi sur la « mobilité » des fonctionnaires d’août 2009, la « flexisécurisation » du Code du Travail et une longue série de mesures.
SEULE UNE MOBILISATION DE TOUS LES CITOYENS POURRA EMPECHER LA DISPARITION DES SERVICES PUBLICS ET DE L’ETAT LUI-MEME.
Indépendance des Chercheurs (attn. Luis Gonzalez-Mestres) 17 rue Albert Bayet, appt 1105 , 75013 Paris , infos : http://science21.blogs.courrierinternational.com, portable 0620601187
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